Pierre Poilievre gâche sa chance de devenir premier ministre

MONTRÉAL – Le gouvernement de Justin Trudeau est sur la défensive à la Chambre des communes depuis des mois. À ce jour, moins d’un Canadien sur trois approuve sa gestion du dossier de l’ingérence électorale de la Chine, un sujet qui a monopolisé la conversation politique fédérale tout au long de la première moitié de l’année.

À entendre la fureur qui règne à la Chambre des communes, où l’opposition s’est encore une fois opposée cette semaine aux libéraux pour exiger une enquête publique sur la question, on a l’impression d’un gouvernement aux abois sur le point de tomber en chute libre. Les intentions de vote suggèrent le contraire.

Pas plus tard que cette semaine, un sondage Léger indiquait que si des élections avaient lieu ce mois-ci, le premier ministre aurait de bonnes chances d’obtenir un autre gouvernement minoritaire et un quatrième mandat consécutif.

Selon les résultats du sondage, les libéraux et les conservateurs sont pratiquement à égalité à l’échelle nationale (33 % contre 31 %), les premiers se maintenant en Ontario, au Québec et même en Colombie-Britannique, une province où le NPD a tendance à être plus compétitif à leurs dépens que dans d’autres régions du pays.

Si l’on examine les répartitions régionales, la plus grande préoccupation de Trudeau pourrait être la faiblesse des conservateurs au Québec plutôt que la force du parti de Pierre Poilievre ailleurs.

En effet, les chiffres suggèrent que les conservateurs – en quatrième position avec 13 pour cent – perdent du soutien au profit du Bloc Québécois. Cela pourrait mettre en péril les nombreuses circonscriptions francophones que les libéraux ont gagnées grâce à la division de l’opposition au cours des trois dernières élections.

Le fait est que depuis qu’il est devenu chef, Poilievre a perdu plus de terrain au Québec qu’il n’en a gagné dans la plupart des autres provinces.

À l’heure actuelle, il est de plus en plus difficile de dissocier la résilience des libéraux dans les intentions de vote d’une incapacité systémique du dernier chef conservateur à marquer des buts sur le filet ouvert du gouvernement.

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À un moment du cycle fédéral où une masse critique de Canadiens a normalement envie de changement, Poilievre n’a pas encore réussi à convaincre les électeurs qu’il représente une alternative acceptable.

Si c’est le cas, c’est en grande partie de son propre fait.

Avec peu ou pas d’aide de la part des libéraux, le leader conservateur a travaillé dur pour se faire connaître – et, par association, son parti – comme une force destructrice dans la politique fédérale plutôt que comme une force constructive pour un bien meilleur.

Pour ce faire, il a utilisé les premiers mois déterminants de son mandat pour redorer son image de personnage polarisant pour qui tout est permis en politique, y compris l’assassinat des personnalités de ses adversaires et de ses détracteurs.

Les occasions de se présenter en tant que premier ministre se sont succédées, toutes sacrifiées sur l’autel d’une partisannerie virulente.

Cela n’aura pas surpris ceux qui ont suivi sa campagne à la direction du parti l’année dernière. Même au sein de sa propre famille conservatrice, Poilievre semblait s’épanouir en lançant des attaques personnelles contre ses rivaux. Le respect du service public d’autrui n’est apparemment pas facile à obtenir pour cet aspirant au poste de premier ministre.

Ce faisant, il a sans aucun doute galvanisé la partie du mouvement conservateur qui déteste Trudeau. Mais ce ne sont pas seulement les Canadiens qui ont toujours été prédisposés à croire le pire du premier ministre actuel et à voter en conséquence qui ont pu être déclenchés par l’approche du leader conservateur.

Si les chiffres des intentions de vote n’évoluent pas de manière décisive en faveur des conservateurs, c’est peut-être parce que Poilievre donne aux sympathisants libéraux une raison de rester avec Trudeau pour une nouvelle élection.

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L’un des plus grands risques pour le Premier ministre, qui envisage de se présenter pour la quatrième fois, est l’apathie qui s’installe généralement dans les rangs du parti et au-delà, lorsque le mandat d’un leader s’étend sur une décennie. Jusqu’à présent, la preuve est faite que Poilievre agit comme un antidote efficace à cette apathie.

Un mot pour conclure : Depuis des mois, Poilievre s’acharne sur la question de l’ingérence de la Chine aux Communes. Pourtant, pendant tout ce temps, il n’a pas vraiment élevé son récit au-dessus du niveau partisan.

Cette tâche est finalement revenue à son prédécesseur, Erin O’Toole, qui prendra sa retraite à la fin de la session de printemps. Dans ce qui était peut-être son dernier discours à la Chambre des communes mardi, M. O’Toole a présenté des arguments convaincants en faveur d’une enquête publique.

Ironiquement, son discours était fondé sur le même type de briefing de sécurité que Poilievre a toujours refusé de suivre.

En mêlant habilement son privilège parlementaire aux restrictions de sécurité nationale qui s’appliquent aux informations partagées par le SCRS, O’Toole a fini par mettre en évidence à la fois la faiblesse des arguments libéraux contre une enquête publique et l’insoutenable légèreté du refus de son successeur de faire le point sur tous les faits dont il dispose pour étayer sa critique du gouvernement.

En rétrospective, les libéraux de Trudeau devraient être reconnaissants que le caucus conservateur, dans sa sagesse très relative, ait décidé de se débarrasser d’un politicien adulte comme O’Toole pour un politicien pétulant comme Poilievre.

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