Une ville du Québec vote contre le projet de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic alors que des expropriations sont envisagées

MONTRÉAL – Le projet de contournement ferroviaire de la ville québécoise où le déraillement d’un train de marchandises a fait 47 morts il y a près de 10 ans a rencontré un autre obstacle cette semaine lorsque les résidents d’une ville voisine ont voté massivement contre le projet.

La municipalité de Frontenac – où certains résidents risquent d’être expropriés de leurs terres – a confirmé que 92,5 % des quelque 700 résidents admissibles se sont opposés au projet de contournement de Lac-Mégantic lors d’un référendum tenu dimanche.

Le maire de Frontenac, Gaby Gendron, a déclaré que les résidents de sa ville ont l’impression que le gouvernement fédéral n’a pas tenu compte de leurs préoccupations concernant le contournement ferroviaire, qui, selon lui, pourrait couper en deux le territoire de certains propriétaires fonciers et détruire de vastes étendues de terres humides.

Compte tenu des résultats, « il est absolument certain que le conseil municipal s’opposera au projet par tous les moyens possibles et légaux », a déclaré M. Gendron lors d’un entretien téléphonique lundi.

En 2018, le premier ministre Justin Trudeau et le premier ministre du Québec de l’époque, Philippe Couillard, ont annoncé un financement conjoint pour un projet visant à détourner les trains autour du cœur de Lac-Mégantic, qui a été dévasté après qu’un train de marchandises non surveillé transportant du pétrole brut a déraillé et explosé le 6 juillet 2013.

Mais cinq ans après que M. Trudeau ait promis que les trains quitteraient définitivement le centre-ville de Lac-Mégantic, la construction n’a pas commencé et le projet suscite des réactions de plus en plus vives de la part des résidents des villes voisines qui sont mécontents du tracé proposé.

Au cours du processus de consultation, les habitants de Frontenac ont fait part de leurs inquiétudes quant aux conséquences environnementales du contournement, ainsi qu’aux répercussions sur la sécurité des trains qui passeraient près de chez eux.

M. Gendron a déclaré que de nombreuses personnes s’inquiètent de l’impact potentiel de la construction sur les puits et la nappe phréatique, et que le gouvernement n’a pas fourni de réponses satisfaisantes pour apaiser ces craintes. Il a ajouté que sa ville était en faveur d’un autre tracé – qui aurait contourné Frontenac et causé moins de perturbations – mais que le gouvernement n’en a pas tenu compte.

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Nantes, une autre municipalité voisine, a également adopté en janvier une résolution s’opposant au tracé du contournement, en réponse à un sondage et à une pétition de citoyens inquiets.

La semaine dernière, le ministre des Transports, Omar Alghabra, a annoncé qu’il avait pris la « décision difficile » d’aller de l’avant avec l’expropriation des terres après l’échec des négociations pour acheter les propriétés nécessaires. Un porte-parole d’Alghabra a déclaré lundi que le ministre était au courant des résultats du référendum mais qu’il restait pleinement engagé dans le projet de contournement.

Nadine Ramadan a déclaré dans un courriel que la tragédie de 2013 a marqué l’histoire du Québec et du Canada. « La réalisation de la voie de contournement de Lac-Mégantic demeure une priorité pour notre gouvernement », a-t-elle dit. La ministre « continuera d’être présente à toutes les étapes pour soutenir » les communautés touchées, a-t-elle ajouté.

On ne sait pas exactement quel impact le référendum de Frontenac aura sur le processus, et M. Gendron a dit qu’il rencontrerait le conseil pour discuter des étapes futures. Mais il a fait remarquer que n’importe qui peut contester les avis d’intention d’exproprier envoyés par le gouvernement fédéral, ce qui devrait déclencher une audience publique. Il a suggéré aux Canadiens qui se soucient de l’argent de leurs impôts de surveiller de près la situation.

« Le gouvernement fédéral va prendre un milliard de dollars de fonds publics pour construire une voie de contournement de 12,5 kilomètres qu’il rendra au Canadien Pacifique (chemin de fer) avec un ruban rouge », a-t-il dit.

Robert Bellefleur, porte-parole d’un comité de citoyens de Lac-Mégantic pour la sécurité ferroviaire, a déclaré que les résultats du référendum de Frontenac ne sont pas surprenants, étant donné l’opposition bruyante au projet. Il croit que les résultats du référendum pourraient entraîner d’autres retards dans la construction – une situation qu’il qualifie de « déplorable ».

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Cependant, il pense que les désaccords proviennent des villes concernées qui ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultées sur le tracé de la rocade et de ne pas avoir été entendues lorsqu’elles ont proposé des modifications pour en réduire l’impact. Les résidents des villes voisines, selon lui, sont ouverts à une rocade, « mais pas à une rocade qui traverse leur territoire de quelque manière que ce soit ».

L’ensemble du processus l’a conduit à s’interroger : « Est-ce qu’ils (le gouvernement) font cela pour la population, ou est-ce qu’ils le font pour le Canadien Pacifique ? ».

Julie Morin, la mairesse de Lac-Mégantic, a déclaré que son conseil municipal ne souhaite pas s’immiscer dans les choix des autres villes.

« Il n’en demeure pas moins que pour la population de Lac-Mégantic, la nécessité de la construction du contournement ferroviaire demeure, tant pour la sécurité des citoyens que pour la relance sociale », a-t-elle écrit dans un communiqué.

Mme Morin a déclaré que, bien qu’il soit « impossible » d’atteindre un consensus total sur un projet d’une telle envergure, elle a exhorté le gouvernement fédéral à mettre en place autant de mesures d’atténuation que possible pour minimiser l’impact de la voie de contournement sur les citoyens de toutes les villes touchées.

Ce reportage de La EssonneInfo a été publié pour la première fois le 20 février 2023.

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