Les députés de Justin Trudeau se battent sur une loi linguistique. Ils devraient s’en tenir aux faits

MONTRÉAL – Par où commencer ? Au cours des derniers mois, les tensions au sein du caucus du premier ministre Justin Trudeau se sont accumulées au sujet du projet de révision de la Loi sur les langues officielles.

Ces tensions se sont transformées en la manifestation la plus publique des divisions internes du mandat de M. Trudeau, au moins un ministre ayant laissé entendre qu’il pourrait voter contre le projet de loi C-13 lorsqu’il sera soumis à la Chambre des communes pour adoption.

Les détracteurs libéraux du projet de loi – dont le ministre des Relations Couronne-Indigène, Marc Miller – viennent tous de circonscriptions montréalaises qui abritent un nombre important d’électeurs anglophones.

Beaucoup de ces électeurs estiment que la dernière législation linguistique du Québec – connue sous le nom de projet de loi 96 – est une attaque contre leurs droits.

Le principal reproche des députés qui les représentent tourne autour de la notion que le projet de loi fédéral – dans la mesure où il fait référence à la Charte de la langue française du Québec – risque d’aggraver la situation difficile de cette communauté.

Les faits ne soutiennent pas nécessairement cette affirmation ou les scénarios d’apocalypse qui l’accompagnent.

Commençons par les plus basiques :

1. Le Québec déclare que le français est sa langue officielle … en 1974, sous un gouvernement fédéraliste.

Il n’avait pas besoin de la permission du gouvernement du Canada à l’époque et il n’en a pas besoin maintenant.

En effet, en ne se déclarant pas bilingue, elle n’est pas différente de l’Ontario ou, en fait, de sept autres provinces.

Les institutions fédérales du Canada sont peut-être bilingues, mais cela ne s’est jamais traduit par une obligation pour aucune de ses provinces de devenir officiellement bilingue.

2. Le Québec a certaines obligations constitutionnelles de longue date envers sa minorité de langue anglaise.

En vertu de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le français et l’anglais ont un statut égal à l’Assemblée nationale et dans le système judiciaire de la province.

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Dans le cadre du projet de loi 96, le Québec a unilatéralement inscrit le français comme sa langue officielle dans son article de la Constitution. Mais plus d’un constitutionnaliste doute que cette décision aille à l’encontre des prescriptions de l’article 133.

3. Comme dans le cas du projet de loi 21, le gouvernement du Québec a tenté de mettre sa loi linguistique actualisée à l’abri des contestations judiciaires fondées sur la Charte en ajoutant de façon préventive la clause dérogatoire de la Constitution à la législation.

Mais alors que la loi controversée sur la laïcité de la province a réduit certains des droits existants des minorités religieuses, le projet de loi 96 laisse intacts les droits de la minorité anglophone du Québec en vertu de la Charte.

En effet, la clause dérogatoire ne peut être utilisée pour suspendre l’article de la Charte qui garantit les droits à l’éducation dans la langue de la minorité.

Voici maintenant un aperçu de certains des arguments douteux avancés par les députés qui ont pris les armes contre le projet de loi de leur gouvernement.

Pour étayer son argumentation contre le projet de loi 96 et, par extension, le projet de loi C-13, la députée Emmanuella Lambropoulos a raconté au comité que la mère d’un électeur s’était vu refuser – en raison de la loi québécoise – le droit de continuer à communiquer avec son médecin en anglais.

Il se trouve que le projet de loi 96 stipule spécifiquement que les Québécois anglophones ont droit à des soins de santé et à des services sociaux dans leur langue.

Dans un texte publié plus tôt cette semaine, l’ancien ministre Marc Garneau a laissé entendre que le projet de loi C-13 donnerait à la loi du Québec la préséance sur la Loi sur les langues officielles.

En fait, un amendement du Bloc Québécois allant dans ce sens a été jugé irrecevable par le comité parlementaire qui a débattu du projet de loi.

La question de savoir si le français – comme l’exige le projet de loi 96 – devrait être la langue de travail de facto dans les sociétés sous réglementation fédérale qui exercent leurs activités au Québec reste à régler.

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Mais avant de monter aux barricades au nom du choix de la langue dans ces lieux de travail, il serait intéressant de savoir combien d’entre eux donnent à leurs employés dans le reste du Canada l’option de travailler dans l’une ou l’autre langue officielle.

Un mot en terminant sur les jeux politiques offerts dans le débat sur le projet de loi C-13.

Dans ses efforts pour faire adopter des amendements qui élargissent la portée de la loi 96 du Québec, le Bloc Québécois a largement bénéficié de l’appui des membres conservateurs du comité.

L’ironie est que ni le Bloc ni le CPC ne se sont encore engagés à appuyer le projet de loi C-13 lors du vote final à la Chambre des communes.

Quant aux libéraux, ils ont fait campagne à deux reprises en promettant de remanier la loi d’une manière qui reflète le fait que les deux langues officielles du Canada ne sont pas sur un pied d’égalité.

Lors de la dernière élection, les libéraux de Trudeau ont remporté une pluralité de sièges au Québec, alors même que le premier ministre François Legault appelait les Québécois à voter pour d’autres partis.

Parmi les électeurs francophones, il ne fait aucun doute que la promesse de renforcer la protection de la langue française a contribué à faire pencher la balance.

Mais cela n’a pas d’importance pour les députés dissidents, car ils occupent tous des sièges où le soutien libéral a toujours été assez fort pour résister aux tempêtes électorales qui ont conduit leur parti sur les bancs de l’opposition dans le passé.

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