
En tant que musulman ayant grandi au Québec et ayant consacré la majeure partie de sa vie adulte à l’étude et à la recherche sur l’islamophobie au Canada et au Québec, je ne suis guère surpris que plusieurs politiciens québécois s’opposent à la récente embauche d’Amira Elghawaby en tant que représentante spéciale du gouvernement pour combattre l’islamophobie.
Au cours des deux dernières décennies, l’islamophobie a occupé une place spéciale et attachante dans le cœur de la politique québécoise. Au début des années 2000, Mario Dumont et son parti politique aujourd’hui disparu, l’Action démocratique du Québec (ADQ), ont déclenché une hystérie collective autour de la question des accommodements raisonnables, en présentant les demandes d’observances religieuses des groupes minoritaires au Québec, en particulier les musulmans, comme une forme d’antisémitisme. unun accommodement raisonnable pour la majorité blanche québécoise.
Avance rapide jusqu’en 2013, le Parti québécois (PQ), sous la direction de Pauline Marois, a proposé le projet de loi 60, plus communément appelé la Charte des valeurs québécoises. Les lignes directrices de cette charte de laïcité et de neutralité religieuse proposaient qu’aucun employé de l’État ou d’une institution financée par l’État ne soit autorisé à porter des signes religieux ostensibles. Ainsi, les enseignants, les travailleurs en garderie, le personnel hospitalier et les employés du gouvernement ne pourraient pas porter un hijab, un turban sikh, une calotte juive ou une grande croix.
Bien qu’énoncée en termes neutres, dans la pratique, cette loi aurait affecté de façon disproportionnée les femmes musulmanes, un segment de la société qui fait déjà face à des obstacles structurels à l’emploi. Le projet de loi 60 n’a finalement pas été adopté, car le PQ a perdu les élections de 2014, mais le projet de loi 21, sous le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), a été adopté et mis en œuvre en 2019.
Comme c’était le cas pour le projet de loi 60, la loi était énoncée en termes neutres et ne désignait aucun groupe religieux minoritaire spécifique au Québec. Cependant, selon les données des sondages Léger, trois ans après l’adoption du projet de loi 21, les femmes musulmanes étaient le groupe le plus touché par cette loi.
Les politiciens québécois ont régulièrement utilisé l’islamophobie comme un outil utile pour prendre de l’ascendant politique, alimentant ainsi les opinions biaisées à l’égard des musulmans dans la société québécoise, qui ont tendance à être plus prononcées que dans le reste du Canada. Faut-il s’étonner alors que ces mêmes élites politiques, qui exploitent la haine et le sectarisme anti-musulmans pour servir leurs propres programmes politiques, s’opposent à l’embauche d’une femme qui a dénoncé l’islamophobie et ses diverses itérations dans la loi, comme le projet de loi 21 ?
L’islamophobie est un type de racisme. Comme toutes les formes de racisme, elle est employée par les classes privilégiées pour maintenir leur pouvoir et affirmer leur contrôle par l’oppression des autres. L’islamophobie est bien vivante et réelle au Québec, comme dans les autres provinces du Canada et dans d’autres contextes internationaux.
En observant la réaction viscérale à l’embauche d’Amira Elghawaby, quelqu’un s’est-il arrêté pour se demander d’où viennent les critiques à l’égard d’Elghawaby ? Viennent-elles principalement d’hommes blancs québécois qui, en fin de compte, bénéficient de l’islamophobie d’une manière ou d’une autre ? Les critiques d’Elghawaby remettent-ils en question ses qualifications ou ses compétences pour ce poste ? J’imagine que non.
Elghawaby a plus d’une décennie d’expérience de travail avec des organisations de défense des libertés civiles et des institutions gouvernementales pour contester et démanteler toutes les formes de racisme, avec un accent particulier sur l’islamophobie. Elle est une avocate et une militante qui n’a pas peur de dire la vérité au pouvoir.
En fin de compte, je pense que c’est là que réside le problème pour les détracteurs d’Elghawaby. Si ces élites politiques françaises pouvaient choisir quelqu’un pour ce poste, choisiraient-elles quelqu’un qui sert les intérêts de ce groupe marginalisé de la société, un groupe qu’elles ont contribué à opprimer ? Ou opteraient-elles pour quelqu’un qui blanchirait et aseptiserait leurs politiques et leurs postures islamophobes ?
La lutte contre le racisme implique de remettre en question ceux qui ont bénéficié du racisme et qui l’ont déployé pour conserver le pouvoir. Si les élites politiques québécoises ne sont pas satisfaites de l’embauche d’Elghawaby, je pense que c’est un signe que le gouvernement libéral a fait quelque chose de bien cette fois-ci.
[1] https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/bill-21-impact-religious-minorities-survey-1.6541241
[2]
Naved Bakali. Je suis professeur adjoint en éducation antiraciste à l’Université de Windsor.

Fleury a un amour profond pour les jeux vidéo et le sport, deux passions qui ont façonné sa vie et tout ce qu’elle fait. En grandissant, Fleury était entouré de jeux vidéo et d’équipements sportifs et a rapidement développé un intérêt pour ces derniers. Elle est ainsi devenue rédactrice chez Essonneinfo sur ces thématiques.
Poster un Commentaire