
MONTRÉAL – La nomination par le gouvernement fédéral d’Amira Elghawaby comme première représentante spéciale pour la lutte contre l’islamophobie a provoqué un tollé au Québec et fait sourciller ailleurs au pays.
Mais l’ancien chef du Congrès juif canadien, qui a coécrit avec Mme Elghawaby un article d’opinion à l’origine d’une grande partie des critiques, a déclaré qu’elle était parfaitement adaptée au poste.
Jeudi, le Bloc Québécois a ajouté sa voix aux appels à la démission d’Elghawaby, le chef Yves-François Blanchet déclarant qu’il pense qu’elle a des préjugés contre les Québécois et qu’elle est hostile à la laïcité de l’État. Le gouvernement provincial de la Coalition Avenir Québec avait déjà appelé à sa démission.
Au centre de la controverse se trouve un article d’opinion de 2019 qu’Elghawaby a coécrit pour le Ottawa Citizen, critiquant le projet de loi 21 du Québec peu après son adoption. La loi, adoptée en juin 2019, interdit aux travailleurs du secteur public jugés en position d’autorité, notamment les enseignants, les policiers et les gardiens de prison, de porter des symboles religieux tels que le hijab, la kippa et le turban au travail.
Citant un sondage d’opinion Léger montrant que 88 % des Québécois qui ont une opinion négative de l’islam appuient le projet de loi 21, l’article affirme que « la majorité des Québécois semblent être influencés non pas par la règle de droit, mais par un sentiment anti-musulman. »
Bernie Farber, qui a coécrit l’article, s’est dit choqué par la réaction à cet article plus de trois ans après sa publication.
« Il est plus difficile de croire qu’il s’agit de ce que nous avons écrit il y a quatre ans que de ce qu’Amira Elghawaby représente vraiment : c’est une femme musulmane, racisée, qui a été nommée à un poste extrêmement important dans une seule province, le Québec, qui a adopté une législation discriminatoire à son égard et à l’égard des autres communautés religieuses », a-t-il déclaré dans une interview.
Farber, qui préside le conseil d’administration du Canadian Anti-Hate Network – un conseil dont Elghawaby faisait partie au moment où ils ont coécrit l’article – a déclaré qu’il la connaissait depuis plus de dix ans et qu’ils avaient travaillé ensemble pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les crimes motivés par la haine.
« Elle est probablement la meilleure nomination que le premier ministre aurait pu faire », a déclaré M. Farber dans une interview jeudi. « Elle est sage, elle est réfléchie, elle est courageuse. (Cela) ne signifie pas qu’elle est parfaite, aucun d’entre nous n’est parfait, et nous ferons des erreurs de temps en temps. Mais le truc avec Amira, c’est qu’elle reconnaît quand elle a fait des erreurs et fait tout ce qu’elle peut pour les réparer. »
Elghawaby s’est excusée mercredi que son choix de mots avait blessé des personnes au Québec, mais elle n’a pas fléchi de son point de vue que le projet de loi 21 est une loi discriminatoire.
François Rocher, professeur d’études politiques à l’Université d’Ottawa, a déclaré que ce n’est pas seulement l’article d’opinion de 2019 qui inquiète les Québécois. Certains de ses autres écrits ont été considérés comme des préjugés contre les Québécois francophones. Et, étant donné que son travail consiste à jeter des ponts, il n’est pas sûr qu’elle y parvienne.
« Ce n’est pas la meilleure façon de s’assurer que cette personne sera bien reçue par les gens, et surtout par les élites politiques, qui ont été constamment montrées du doigt, dénoncées comme racistes, islamophobes, xénophobes et, en fin de compte, fermées à la diversité et contre le multiculturalisme canadien », a-t-il déclaré dans une interview jeudi.
On peut s’opposer au projet de loi 21 en raison de son caractère discriminatoire, a-t-il dit, « mais dire, comme elle l’a fait, que le projet de loi 21 est une illustration de l’islamophobie et une démonstration du racisme des Québécois, c’est difficile à accepter. »
Elghawaby s’est attiré les foudres hors du Québec pour un article qui décrivait la monarchie britannique comme « l’un des symboles les plus puissants de l’oppression raciale » et un autre qui qualifiait la fête du Canada de « conte dominant, européen, judéo-chrétien. »
Elghawaby, qui n’a pas répondu aux demandes d’interview pour cet article, a obtenu un baccalauréat en journalisme et en droit de l’Université Carleton en 2001. Elle a ensuite passé 14 ans à travailler en free-lance comme reporter et productrice associée à la Canadian Broadcasting Corporation.
Elle a également travaillé pour le Conseil national des musulmans canadiens et le Congrès du travail du Canada.
Avant d’être nommée représentante spéciale – un poste assorti d’un salaire de plus de 160 000 $ – elle était directrice des communications stratégiques et des campagnes à la Fondation canadienne des relations raciales et chroniqueuse pour le Toronto Star.
Lors de l’événement annonçant sa nomination, Mme Elghawaby a déclaré avoir été confrontée à l’islamophobie sexiste dans sa propre vie et espère qu’elle représentera les femmes et les filles musulmanes et qu’elle sera un modèle pour elles.
« Aujourd’hui, le Canada a choisi de nommer une femme visiblement musulmane qui s’est engagée à travailler avec les alliés et les communautés à travers le pays pour combattre la haine sous toutes ses formes », a-t-elle déclaré. « Nous avons notre place ici et nous avons été ici depuis le début ».
Ce reportage de La EssonneInfo a été publié pour la première fois le 2 février 2023.

Fleury a un amour profond pour les jeux vidéo et le sport, deux passions qui ont façonné sa vie et tout ce qu’elle fait. En grandissant, Fleury était entouré de jeux vidéo et d’équipements sportifs et a rapidement développé un intérêt pour ces derniers. Elle est ainsi devenue rédactrice chez Essonneinfo sur ces thématiques.
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