Les anglophones ne sont pas à blâmer pour le déclin du français au Québec

Dans une lettre d’opinion publiée d’abord dans le Toronto Star et traduite plus récemment dans Le Devoir, l’ancien chef politique Jean-François Lisée prend un malin plaisir à ridiculiser les préoccupations de la communauté anglophone du Québec au sujet de la nouvelle Charte de la langue française (l’infâme projet de loi 96).

Sur un ton ironique, l’auteur dépeint la population anglophone du Québec comme des enfants gâtés qui se considèrent comme les victimes d’un complot anti-anglais.

Ils s’offusquent du fait que leurs services et leurs institutions sont minés et semblent ignorer complètement les défis que représente la préservation d’une société francophone dans un contexte nord-américain.

Cela est d’autant plus révoltant, selon M. Lisée, que la communauté anglophone est choyée, bien protégée dans ses droits, et donc certainement pas une victime.

Sur ce dernier point, M. Lisée a raison.

Il a raison de dire que la communauté anglophone du Québec dispose de services et d’institutions qui feraient l’envie de nombreuses autres minorités linguistiques. Et il a également raison de dénoncer certains leaders anglophones dont les commentaires incendiaires ne reflètent pas la majorité silencieuse beaucoup plus modérée des anglophones du Québec.

Ce que j’ai critiqué – avec d’autres – pendant l’étude du projet de loi 96, c’est l’étonnante improvisation avec laquelle le gouvernement du Québec a abordé la réforme de la Charte. La réalité à laquelle il doit maintenant faire face ne fait que confirmer ce manque de prévoyance.

Les nouvelles dispositions législatives de la charte sont tellement déconnectées des faits sur le terrain et de la structure des programmes collégiaux du Québec que plusieurs mois après l’adoption de la nouvelle charte, les hauts fonctionnaires du ministère de l’Enseignement supérieur peinent encore à appliquer ses principales mesures.

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En tant que directeur général d’un collège anglophone et en tant que francophone, cela me laisse un goût amer dans la bouche d’avoir à composer avec une réforme majeure qui répondait d’abord et avant tout à des impératifs politiques. De plus, une réforme qui n’aura pas d’impact significatif sur la langue française au Québec. Toute cette énergie aurait pu être mieux utilisée ailleurs.

Le débat sur le français au Québec doit être recentré afin d’entrer dans le vif du sujet. L’analphabétisme fonctionnel, le faible niveau de compétence en français des élèves qui terminent leurs études secondaires et le manque d’intérêt pour la culture québécoise sont des problèmes bien plus importants que le nombre de cours de français dans les collèges anglophones.

Pouvons-nous espérer qu’un jour nous serons en mesure de briser cette vieille dualité linguistique du « nous » contre « eux » et de travailler ensemble à la place ?

Ce n’est pas en imposant des quotas d’admission mal conçus aux collèges anglophones ou en faisant des francophones des boucs émissaires qui choisissent de poursuivre des études postsecondaires en anglais que l’on assurera la survie du français au Québec.

Le droit individuel de poursuivre des études supérieures dans la langue de son choix ne doit pas être considéré comme une menace pour le droit collectif de vivre en français dans la Belle Province.

Ce n’est pas seulement aux anglophones du Québec de sauver le français. C’est aussi aux francophones de s’intéresser davantage à la qualité de leur langue, de leur culture et de leur système d’éducation, qui peine à s’assurer que ses diplômés maîtrisent leur propre langue maternelle.

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S’ils sont invités à la table, les anglophones du Québec doivent faire et feront partie de la solution, car la majorité d’entre eux reconnaissent la nécessité de mieux protéger le français au Québec.

S’il est vital pour le Québec de construire de véritables ponts entre ses communautés linguistiques, il incombe également à la communauté anglophone de former des leaders plus sensibles aux défis auxquels est confrontée la langue française au Québec.

Afin d’assurer la survie du français, il est peut-être temps de passer aux choses sérieuses.

Comme nous le disons au Québec : « Ensemble pour la langue française. »

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