L’année de l’anglonormativité canadienne

C’est un titre du Star qui a mis le feu aux poudres : « La pénurie de Tylenol pour enfants au Canada s’aggrave – et les étiquettes bilingues font partie du problème ».

Une partie du problème. Nous, la francophonie canadienne.

Résistances et réfutations dans les médias francophones du Canada, Les dirigeants du gouvernement de l’Ontario ont néanmoins repris ce titre quelques jours plus tard, ignorant commodément que les parents francophones ont également le droit de comprendre les exigences en matière de dosage et de sécurité pour protéger leurs enfants en cas de triple épidémie.

« Oui, c’est la faute des Français ». a tweeté l’ancien journaliste franco-ontarien Philippe Orfali. « Bon 4e anniversaire du Jeudi noirau fait. »

Joyeux quatrième anniversaire de le jeudi noir franco-ontarien de 2018, en effet.

C’était un témoignage approprié du genre d’année qu’elle a été pour les francophones de l’Ontario et d’ailleurs. Une année où la question des universités est restée sans réponse de l’Alberta à l’Ontario ; où la Loi sur les langues officielles a langui ; et où nous avons appris que nous ne pouvions même pas mourir sereinement en français, priés de  » s’exprimer en anglais. « 

Ce n’est toutefois pas la protection du français qui a fait couler le plus d’encre en 2022. Plus tôt cette année, le Québec a adopté sa controversée loi 96, une loi qui limite l’utilisation de l’anglais dans les tribunaux, les soins de santé et d’autres services publics. Cette loi discriminatoire a suscité l’ire du Canada anglophone. À juste titre.

Pourtant, les cruelles réalités auxquelles est confrontée la francophonie canadienne ont été accueillies en silence.

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Pour les Franco-Canadiens, c’est l’année où de nouvelles données de recensement ont révélé la douloureuse folklorisation de notre langue, un héritage colonial précipité par la politique d’immigration raciste et les pratiques du gouvernement canadien.

Cet été, la nomination de la célèbre juge franco-ontarienne et abénaquise Michelle O’Bonsawin à la Cour suprême du Canada a été accueillie par la critique selon laquelle le bilinguisme est une « énorme barrière institutionnelle  » pour les  » minorités « ,« , ignorant que la francophonie canadienne est elle-même multiraciale, multiculturelle et multiconfessionnelle, avec des parents parmi les communautés des Premières nations, des Inuits et des Métis.

À l’automne, nous avons été confrontés à l’utilisation marginale du français lors de l’enquête de la Commission Rouleau sur l’utilisation par le gouvernement fédéral de la Loi sur les mesures d’urgence, notre langue désignée sous le nom de « secondaire » par un journaliste de Rebel News.

Une année où le premier ministre Blaine Higgs du Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue du Canada, a  » brûlé les ponts  » avec les Acadiens et les autres francophones, nommant un francophobe notoire à un comité chargé d’examiner la loi sur les langues officielles de la province et immolant l’éducation en immersion française – tout en se lamentant de sa persécution en tant qu’anglophone unilingue.

Mais ouiblâmez la francophonie du Canada. Nous sommes le problème.

« Les droits linguistiques sont des droits humains, » a récemment tweeté Scott Tilton, un Américain créole français. « Déconstruire les récits selon lesquels la perte de langue est « naturelle » ou « normale » est important pour comprendre comment les lois et les préjugés dépouillent délibérément les droits. »

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À l’aube d’une nouvelle année, le Canada doit chercher à comprendre comment ses propres lois et préjugés ont ancré l’anglonormativité dans sa conscience nationale, en remettant en question les hypothèses selon lesquelles la langue française va inévitablement décliner et est indigne de protection.

Parce que nous sommes toujours là. Toujours un problème. Toujours féroces, fiers et franco.

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